La poésie, ça veut rien dire.
Mais elle peut tout dire. Quand je me suis rendue compte qu’elle est la forme littéraire la plus à même d’être un laboratoire du langage libéré, j’ai enfilé ma blouse et j’ai plongé plume la première. Un poème n’est opaque que si l’on cherche à lui faire dire un message bien poli. J’aborde l’écriture poétique comme un jeu ; jeu sémantique, acoustique et syntaxique qui compose de la musique en décomposant ce que la langue a de prévisible et de rationnel.
J’écris en français, en anglais et les deux ensemble. Car un poème est souvent une conversation imparfaite et parfaitement impossible.
Mes poèmes apparaissent dans Initium Magazine, Humankind Magazine et chez Fabernovel.
En 2022, j’ai co-fondé La Poésie vous va si bien, une série de performances poétiques en musique avec une scène ouverte en partenariat avec la Maison de la conversation (Paris 18e), aux côtés d’Éloi Saint Bris (poète) et Hadrien Remy (musicien).
Mon premier recueil de poésie Tongues Tied est un ensemble de poèmes en anglais mis en image par Erwan de Beauchaine sous la direction artistique de David Cocciante (Supereasy Studios).
Publié le 11 Novembre 2021
un EP de poèmes en musique
En co-création avec Hadrien Remy, nous avons imaginé une conversation entre une guitare et quelques vers
Doublure de velours
Souvent,
grandir, c'est se feutrer.
Devenir adulte,
c'est se former au métier de tapissier.
On fait à notre peau une doublure de velours
pour ouater les sentiments
qui y font des vagues en frissons,
des fissures en crispations.
Tempérer le tempérament enfantin de tempête
en tissant un filet de soie
jeté juste sous la surface de soi
pour amortir les ondes
trop choc.
Mais elles finissent par se dessinent en rides,
tant de digues creusées sur la surface
au point de rupture
sous le poids suffoqué d'années camouflées.
De peur qu'elles ne lâchent
on renforce les coutures, tendues
on capitonne, mon capitaine.
Quand un barrage rompt on dit
qu'il cède.
Peut-être qu'en fait
ça aide.
C'est peut être aussi pour ça
qu'en vieillissant on devient sourd ;
à force de trop d'étoffes,
on s'étouffe.
DEux nombrils du monde
A force de trop songer
mon ombre s’allonge
s’étire, m’étend
flexible double sans ancre
parfois, me quitte et me déchire.
Doux dédoublement
entre deux patries qui me dispersent,
pour elles je m’écartèle volontairement -
ma carte a deux destinations.
Ma boussole, elle, oscille
sans cesse en tension.
La connaissance caresse
C'est un titillement
un parfum
empreint des souvenirs
d'un futur proche
un déjà-presque-vu
sur le bout de la langue de mes pensées -
c’est quelques notes qui résonnent
familières sur mes tympans, tambours de mon coeur
réveillé soudainement par un roulement au rythme de Pan
irrésistible ravissant.
L'épiderme de mon entendement
frissonne
du plaisir profond
de ne pas encore tout à fait comprendre
ce que je sais
que je peux.
L'instant de connaissance sera
Im-médiat -
un saut quantique
sans trajectoire
ni mouvement ;
pure emergence
inscrite simultanément
parchaquefibredemoncorps,
à la fois palimpseste et scribe et auteur
de tout ce que je connais
ou
re-connais,
car apprendre,
c'est se rappeler quelque chose de nouveau.
La connaissance est sensation
est sensuelle
se délecte
sensationelle.
Chat, perchée
Chat, perchée sur le toit d’une maison
enchâssée dans un tapis de toitures
jeté du minaret jusqu’à l’auréole de la médina,
tissé d’ombres fraîches
et des rayons prometteurs d’un matin d’hiver,
j’en découds avec l’envie de faire peau neuve ;
troquer les impôts pour des poteries laquées,
m’improviser féline de souk professionnelle.
Enlacée dans le silence épicé
de ces terrasses brunies et bronzées,
je brode des fantasmes d’orient
surpiqués par tant d’autres rêveurs
depuis la nuit des temps.
L’Atlas surveille l’aube,
impassible toile de fond.
Mes songes singent sans cesse
ce désir profond de l’Homme,
découvert dans le marc de mon café tout marron :
celui d’être simple chaton.